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Canal synthétique de la IIème Internationale Situationniste Immédiatiste.

dimanche 1 juin 2008

Présentation de l'Encyclopédie du Souterrain



(William Blake, pour "le paradis perdu" de Milton)

Il est là, l'antique Serpent, involué dans les profondeurs ; et sa montée et sa manifestation se préparent dans l'ombre. L'encyclopédie du Souterrain est la préparation de la manifestation du retour. L'eau par son creusement obstiné a creusé les cavernes, réalisé de délicates arabesques de roches, abattu l'orgueil des récifs.

Observateur du monde, nous en voyons le vide. Vide de la culture, vide des arts, vide de la vie humaine. Une telle affirmation serait vanité si ce vide n'était aussi nôtre. Car le vide n'est pas un sentiment subjectif qu'un traitement médical bienveillant pourrait aisément défaire ; l'URSS a échoué dans le traitement médical de la dissidence pour cette raison. Le vide est un fait.

Le vide est l'absence d'Univers. Le monde de chacun est ce qui apparait directement dans mon horizon de personne, mon territoire, mon temps, ce que je goûte de mes sens et que j'ai en partage. Il y a une indéfinité de mondes comme une indéfinité de personnes. Ces mondes sont pénétrés d'Univers. L'Univers est l'unificateur des mondes, l'implicite qui fonde tout dialogue, le pain et le vin des mondes. L'Univers est l'appartenance des mondes aux espaces, aux temps, aux mondes que les signes désignent. L'Univers est par les signes.

Par les signes il est « longueur, largeur, hauteur, profondeur ».Par l'Univers j'ai vu la terre de la lune, et je connais les noms des hiérarchies angéliques. Comme un jardin planté d'arbres pensifs, l'Univers n'est pas seulement une production humaine. Le signe en effet répercute vers ce qu'il désigne et cèle son origine. L'Univers est l'ouverture des mondes personnels vers le prochain et le Seigneur caché. La recherche de la Sagesse, de la Saveur, est la recherche de l'entrée de l'Univers dans le monde propre, la recherche de la connaissance directe : la rencontre de l'Ange de la face, le baiser des baiser de Sa bouche, le dénouement de la lanière de Ses sandales.

Construit de signes entrelacés, en énigme, tissage d'homme et de Verbe, l'Univers est culture. L'homme est une culture pour Dieu, un champ à labourer, à moissonner, une vigne. Sans culture, l'homme n'est homme qu'en puissance et ne réalise pas son essence. C'est la graine tombée dans les ronces, le figuier stérile. L'essence de l'homme est le désir de dépasser son essence, désir d'extase, nostalgie du Suprême. La nostalgie est l'essence de l'homme.

La culture fait la communauté humaine. A ce titre la Chrétienté médiévale était plus une culture européenne que l'Europe moderne. Le morcellement à l'infini de l'Europe n'est pas un mûrissement mais une putréfaction. La putréfaction est nécessaire comme l’apogée. Mais on ne fait pas de civilisation seul, ni dans un seul pays. Et la culture, c'est à dire les symboles, le Verbe commun, est l'image harmonique de l'Un, d'un rang supérieur à l'harmonie et l'unité du marché libre et non faussé et de la monnaie de compte. L’Un insurpassable face à l'unitarisme.

Il faudrait être aveuglé par des illusions féroces, tel Narcisse, enfermé en son monde, pour croire qu'un seul essai des auteurs, philosophes, penseurs de ce temps est plus qu'une compilation médiocre. Et pour argument, outre le vide et le plagiat, nous dirons : qui connaît encore la gloire des critiques et des auteurs d'il y a cent ans? Des milliers de livres monotones encombrent les archives. Ils passent au broyeur de leur idéologie mécanique des Univers entiers qui les dépassent infiniment. Ils pourrissent dans l'ombre. Ces corps mols et blancs qui affolaient les désirs : « ils sont mangés des vers ». Fait d’étoiles et du parfum des sacrifices, un fragment d’Héraclite renaît en chaque œil qui le scrute.

Les nôtres auront le même sort ; et de leurs auteurs, on peut prévoir qu' « ils mourront sous eux, d'un seul coup, exactement comme ils écrivaient. » « Et comme ils n'ont plus de sceptres, ils n'ont plus de flatteurs ».

L'Univers est ce qui fait les hommes Un et leur apprend la jouissance d’être, à travers les arts du faire et l’art d’aimer ; et la jouissance de ne plus être à travers l’ars moriendi, l’indispensable art de mourir. Cette joie et ce raffinement s’origine dans le parcours analogique à la respiration des mondes, qui s’involue et s’explique dans le cycle humain. Sans culture l'homme s'exténue ; et cette dissolution de l'Univers est aussi absence de Justice et de châtiment. Avec l'exténuation de l'Univers, la culture, l'organisation sociale, la loi s’effacent comme des pas sur le sable. L’explication divine se prolonge par l’illusion de la toute-puissance humaine, qui est destruction de l’homme. La ténèbre humaine est prête à surgir sous les formes du blanc des écrans, des murs, des blouses et des sols carrelés. Car la ténèbre de l'homme n'est pas fille du Tigre et de l'arbre, mais humaine.

Les modernes imputent injustement à la « barbarie » et à la « sauvagerie » des crimes entièrement nouveaux.

Mais les liens verticaux aussi s'effacent, les rivières souterraines, les eaux supérieures qui nourrissent le monde des hommes de la Rosée céleste. Ce qui étanche la soif de l' « ardent désir du Haut tant désiré », ce signe de l'Alliance, la nostalgie. Il est écrit : « l'homme ne vivra pas seulement de pain ».
Ce qui ne vit que de pain n'est pas humain. L'humanité meurt de l'humanisme. L'humanité meurt de sa fadeur et de l'absence de la mort. Le monde moderne ne peut comprendre l'intransigeance des Saints et se moque de l'ascèse. Le monde moderne rejette la volonté de puissance, la cruauté et l’énergie de l’homme de guerre. Il rejette les hautes volontés, les hautes ivresses, la folie sacrée. Pourtant la rationalité humaine est ouverture, et est aussi enfermement et enfer. Seule cette Puissance unique, qui produit deux forces qui s'affrontent et se servent dans leurs entrelacs, cette puissance qui s'expire à travers les mondes et les hommes peut bouleverser des mondes d'enfermement et planter des racines d'Univers. La vie d'Origène -« transformez vous! »- fut une grande vie humaine. La vie de St Antoine fut une grande vie humaine. La vie de César fut une grande vie humaine. Le démon se pare des dépouilles de la vertu. Le gnostique parfois exalte le mal par excès de pureté. Tout est masque.

La vie est vivante par le combat :

« Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux:

un temps pour naître, et un temps pour mourir; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a été planté;

un temps pour tuer, et un temps pour guérir; un temps pour abattre, et un temps pour bâtir;

un temps pour pleurer, et un temps pour rire; un temps pour se lamenter, et un temps pour danser;

un temps pour lancer des pierres, et un temps pour ramasser des pierres; un temps pour embrasser, et un temps pour s'éloigner des embrassements;

un temps pour chercher, et un temps pour perdre; un temps pour garder, et un temps pour jeter;

un temps pour déchirer, et un temps pour coudre; un temps pour se taire, et un temps pour parler;

un temps pour aimer, et un temps pour haïr; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix »

Les hommes se protègent de leurs destins doubles et refusent de s'en saisir. Pour ne pas choisir une vie, ils n'en vivent aucune. Pour ne pas être déchirés par les opposés, ils fuient dans la torpeur des corps. Car le choix que pose la liberté n'est pas un choix entre deux possibles posés devant un sujet, le choix du rat dans un labyrinthe, mais est le déchirement intérieur des mondes, le plus grand danger, qui a nom Folie.

Ce que je pose a déjà été mille fois posé par les paroles.

« Il n'est rien sur la terre de si humble qui ne rende à la terre un service spécial ; il n'est rien non plus de si bon qui, détourné de son légitime usage, ne devienne rebelle à son origine et ne tombe dans l'abus. La vertu même devient vice, étant mal appliquée, et le vice est parfois ennobli par l'action.

Le Calice enfant de cette faible fleur recèle un poison et un cordial puissants : respirez-la, elle stimule et l'odorat et toutes les facultés ; goûtez-la, elle frappe de mort et le cœur et tous les sens.

Deux reines ennemies sont sans cesse en lutte dans l'homme comme dans la plante, la grâce et la rude volonté ; et là ou la pire prédomine, le ver de la mort a bien vite dévoré la créature. »

Shakespeare, Roméo et Juliette, Acte II scène 3


Les hommes rejettent l'Amor Fati. Les hommes meurent non comme des bêtes, mais comme des corps, dans le coma, de la viande qui meurt.

Vanité des Vanité, dit l'Ecclésiaste vide des vides ; « Tous les mots sont usés, on ne peut plus les dire (...) ce qui manque, on ne peut le compter ». Ce qui manque ne peut être mesuré par monnaies ou statistiques. Ce qui manque forme l'Occultation. Ce qui est occulte est souterrain. Les souterrains sont symboles de cette occultation. Ce qui est à la lumière est un monde de ténèbres et de lumières où le discernement devient le fait du Minotaure. L'époque est grande non d'harmonie, mais d'extrêmes opposés ; la tempête silencieuse doit faire tôt ou tard advenir éclair, tonnerre, et déluge.

L'histoire ne se répète pas, mais des cycles analogues sont parcourus. Vers 1700 la culture de la Cour et la Réforme catholique s’épuisent. La philosophie des Lumières peut s'installer comme référence de l'Europe. Elle apporte un ordre et des symboles dont profite l'Europe. Elle contient des germes de destruction qui blesseront gravement l'Europe. Il n'est pas le lieu d'en discuter : l'Encyclopédie est ce lieu. Le vide est remplacé par le plein ; l'Encyclopédie du souterrain porte l'héritage de l'Encyclopédie, en analogie inverse des positions temporelles, mais aussi par sa volonté de destruction.

Notre culture de l'après guerre est épuisée. Les questions se limitent à savoir qui a le revolver. Le revolver est le contrôle des médias qui permet d'imposer un livre ou une idéologie. L'idéologie libérale omniprésente est le triomphe des marchands et des banquiers qui possèdent le révolver médiatique, tellement qu'ils n'ont même pas besoin de rigueur ou de qualité. Ils donnent les derniers vestiges d'intensité de la vie, le succès temporel, l'argent, le loisir, le sexe. Le mot think tank, producteur d'idéologie, est proche du mot supertanker, un réservoir, qui peut contenir mots, céréales, pétrole, images, sable, œuvres d'art ou tout ce qui se marchande dans le monde. L'argent est la mesure, et la mesure, c'est ce qui mesure, non ce qui est mesuré. La mesure est fermeture, recherche de commune mesure avec l'incommensurable, aveuglement.

L'idéologie est idéologie de la quantité. C'est une idéologie de négation, qui prétend définir à l'avance (à priori)l'espace des possibles et contourne, récupère, médicalise, banalise tout témoignage gênant. C'est cette mécanique de la négation qui exténue l'Univers. Il en sera ainsi pour l'Encyclopédie : contournement, récupération, banalisation, médicalisation. J'écrit ici ce qui en sera écrit. Pas de blâme. Mais la potion sera trop amère...

Mais ce revolver est épuisé ; le contrôle des éditeurs est tué par le téléchargement et la gratuité de la publication. La pensée ne peut plus être si facilement contrôlée par l'argent grâce au triomphe de la quantité absolue dans l'information. Le marchand ne comprendra jamais que toute médaille a son revers et que les triomphes préparent les défaites. Tant de petit bois est entassé que le feu pourra bientôt être allumé.

Un autre porteur de lumière fut Frédéric Nietzsche. Avec Lucifer, cela fait un troisième ; cela pour dire que l'éloge doit être mesuré. Cependant Nietzsche apparaît sur un horizon vide, celui du Nihilisme, pour rappeler la saveur du monde. Le lien inexorable entre le sommet et les abîmes. Entre la vie et la mort. Entre la morale et l'enfermement, l'enfer des hommes. « Je ne pourrais croire qu'en un dieu qui pourrait danser. ». La nécessité de dépasser l'homme. Et aussi que la mort de Dieu entraîne la mort de l'homme. Le socle de Nietzsche est le scientisme matérialiste qui domine son temps. A coup de marteau, Nietzsche le brise. « De l'air, de l'air! ». Il est Prométhée et Icare.

Sa pensée est un moment nécessaire de la culture européenne. Un feu vif qui a réchauffé bien des hommes nobles. Car le contenu de la pensée n'est que chose infime. Il n'y a rien à argumenter et rien à justifier. L'argument vient après la dureté du monde. La vérité est vécue avant d'être dite. C'est pourquoi les enfants protégés de la douleur et de l'obstacle de peuvent devenir véridiques. Le Hagakure dit : « il n'est rien de l'ordre du mal à ce qui peut être enduré ». La passion du Seigneur le manifeste.

Une pensée, construction de mots de la tribu, ne vaut que pour sa fin, pour l'Univers qu'elle communique, pour les voies qu'elle ouvre, l'ardent désir qui la guide. L'illusion est aussi l'essence de l'homme. L'homme est Désir, Nostalgie et Illusion. C’est l’envers de l’image de Dieu, qui porte Sa ressemblance, Beauté et Colère. A gauche et à droite de l’Arbre, Adam et Eve sont désir, nostalgie, illusion mais aussi Splendeur. Adam nomme, mais ne crée pas. Illusion de définir avec les mots, de circonscrire l'être avec la parole. « Le dieu qui est à Delphes ne dit ni ne cèle, mais fait signe ». Les mots font signe, et c'est l'âpre saveur des pentes parcourues qui -peut être- montre dans les flammes le Vrai, identique à l'Être, au Beau de tout regard possible des sens, et au Bon de toute saveurs de l'âme. Ainsi dit le Cantique quant parait la Splendeur participée de l’Invisible :

« Voici, tu es belle, mon amie ; voici, tu es belle ! Tes yeux sont des colombes derrière ton voile ; tes cheveux sont comme un troupeau de chèvres sur les pentes de la montagne de Galaad (…)

Que de charme ont tes amours, ma soeur, [ma] fiancée ! Que tes amours sont meilleures que le vin, et l’odeur de tes parfums plus que tous les aromates.

[Tu es] un jardin clos, ma soeur, [ma] fiancée, une source fermée, une fontaine scellée. (…)
une fontaine dans les jardins, un puits d’eaux vives(…)

La poésie, qui produit la Vision en énigme, scellée et pourtant désaltérante, est plus que la philosophie, mais pour autant la langue des hommes n'est pas la Langue des oiseaux. Babel ne doit pas être oubliée. Il n'y aura pas de dernière philosophie.


Nietzsche est borgne, il voit et ne voit pas à chaque phrase, mais ce que son marteau a brisé a été brisé par le Seigneur. Lui même a été brisé. On ne manie pas la foudre sans danger. Et ce marteau doit à nouveau frapper. A ce sujet une dernière chose doit être dite.

La destruction des Univers est systématique. Non pas voulue par un homme, ou un groupe d'hommes, car il n'est rien de plus inconstant. Cette destruction est l'effet d'un processus systémique et systématique. Ce processus mécanique, déterministe, est appelé dans ses aspects innombrables progrès, mondialisation, réchauffement, libération de l'homme, de la femme, il n'importe. « il s'appelait Légion » Inexorable, ce processus se nourrit des oppositions qu'il rencontre. Ce processus forme un totalitarisme nouveau.

Le totalitarisme est la volonté d'éradication de l'Univers hérité et obscur, pour le remplacer par un Univers artificiel, transparent, entièrement produit par la volonté humaine. « La vérité, c'est la volonté du Führer ». Le totalitarisme est la négation du Vertical, l'affirmation de la souveraineté humaine toute puissante. Il est un produit direct de l'humanisme. Le totalitarisme ne voit d'ordre que dans ce que l'homme a ordonné, que chaos dans le non humain.

Le souverain humain du totalitarisme libéral n'est plus un tyran tout puissant. Il est l'individu tout puissant dans son monde, île émergeant du chaos. La mesure individuelle détermine la valeur dans chaque île. Chaque jugement de valeur est une affirmation arbitraire de la volonté humaine. L'essence de la valeur est l'arbitraire du jugement humain. Le rôle de l'Etat est de préserver cet arbitraire, appelé Liberté. La limite étant autrui ou l'arbitraire des valeurs collectives. Rien ne vaut d'être pris en compte en dehors de ce qui a été jugé valable par un jugement, et même dans les faits plutôt par une certaine masse de jugements pesée par sondage et soutenue par la puissance médiatique des associations d'intérêt, les Sociétés. Ainsi ce qui se vend en peinture est l'Art. Ainsi peut naître le Musée, la collection, fatras de signes privés de vie et de répercussion, des cendres.

Chaque souverain enfermé dans son monde pratique le libre échange et communique par la monnaie. Dominé par l'ennui de soi et la vanité, le vide, chaque individu revendique avec aigreur sa souveraineté, préférant l'illusion de la souveraineté totale à l'Être et aux déterminations réelles de la créature, temps, espace, sexe, péché, mort. La volonté illusoire d'être originel, souverain et arbitraire à l'image qu'ils se font de Dieu, se marquant par la recherche de la nouveauté pour la nouveauté. Être le premier à vomir, chier ou pisser sur une scène de théâtre est une grandeur de cet ordre. Ainsi naît l'œuvre qu'affirme le seul jugement de l'artiste, et donc pouvant être tout et rien. La volonté d'identification à l'Avant Garde faisant manifester un partage de ce jugement. Toute critique « nouvelle » s'expose à devenir nouveauté à la mode. L'auteur, étourdi, adulé, invité, enrichi reçoit une prébende et bientôt défend ses maîtres.

La description du totalitarisme contemporain est une œuvre complexe. L’exténuation de l'Univers par les mondes en fait un produit extra politique. La coercition n'est plus un monopole d'État et de spécialistes, mais se diffuse à l'infini par capillarité chez les individus et les sociétés. Le modèle social est la société anonyme, dont le nom montre bien la volonté d'effacer tout ce qui est charnel et Saint dans la communauté. La société anonyme est une oligarchie basée uniquement sur le service du capital. Elle doit éliminer les préférences personnelles, les critères étrangers à la rentabilité : amitié, solidarité, familles, sexe, proximité, esthétique, toute qualité. Elle a donc partie liée avec toutes les « luttes contre les discriminations », puisque la seule source de discrimination valide est la capacité de produire ou de saisir la richesse. La société doit contrôler la totalité de l'homme pour le mettre à son service et tout particulièrement sa force et son désir. La coercition ne s'avance pas seulement sous le nom et la forme de la coercition, mais sous les noms de sécurité, protection des victimes, politiquement correct, hygiène, santé, prévention. Et aussi libération des mœurs, libération de l’individu, de misérables enfermements. Tout est construit de vent, de vide, de décors ou les personnages portent des masques. Ce domaine est le domaine des fantômes modernes. La guerre s'est déplacée ; la guerre matérielle se poursuit, mais la guerre se diffuse dans le domaine spirituel. Partout mensonge et donc vide, perte de contact avec l'Être. L'Être n'est plus abordé que sous l'angle de la puissance et de l'exploitation : toute signe est nié parce qu'il faut une répercussion d'âme pour l'attester et lui porter témoignage. Je veux parcourir le livre d’Eve. Je veux voir le Printemps couronné de roses où perle une rosée de sang. Qui lit encore le deuxième Livre, le livre de la création? Qui peut voir l'Iris avec les yeux de Dürer?

Et se perd le souvenir même de cette possibilité. L'inauthenticité moderne est le fruit de ce totalitarisme sans centre. La simple vie est devenue un songe, quand se vérifie cette phrase d'Hannah Arendt : « L'extrême difficulté que rencontre un individu pour conserver son intégrité et ses critères de vérité et de moralité dans un monde où vérité et moralité n'ont plus aucune influence visible. ». Il en est ainsi des hommes du Haut désir.


Ce temps n'en mérite pas moins une résistance aussi déterminée et intransigeante que les anciennes périodes sombres. Cela n'exclue pas la pratique des arts de la guerre spirituelle moderne. Et le combat est difficile, car l'ennemi absorbe et se nourrit de la plupart des résistances. La révolution de 1917 a abouti à l'extension de l'esclavage de la production ; les combattants allemands qui ont cru au nazisme ont porté au pouvoir Speer et des assassins démoniaques. Toutes les façades ont voué le même culte à la quantité, aux statistiques, à la croissance quantitative. L'écologie se termine dans le développement durable ou la sottise, ou les deux. Le fait est que l'essence de cet âge est la croissance de la destruction. Production et destruction sont deux faces de la même médaille. L’encyclopédie est destruction de la destruction pour que la destruction soit achevée. C'est le désert d’Egypte et c'est une chance.

Ecrasons l'infâme! Ce sera le labeur des Lumières d'Orient : maintenir les signes qui mènent vers les portes du Paradis et de l’Enfer. L'Encyclopédie en sera le tissage et le ferment, au delà de tous les opposés.

H

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