ISI

Canal synthétique de la IIème Internationale Situationniste Immédiatiste.

mercredi 25 janvier 2012

La recherche de la liberté - se tenir dans la vérité .

(Easy Rider)


Ce qu'est la liberté est pour la pensée un mystère et pour la vie une évidence vécue . Il en est de même pour le regard de l'Aimée - comme si nous nous étions élevés jusqu’à Celui qui nous a conçus .

Un mystère pour la pensée, encore aujourd'hui, parce qu'il est de la nature de la pensée cohérente d'être linéaire et continue, d'avoir une logique, c'est à dire une causalité interne en acte qui en fait une partie d'une sphère . La ligne de la phrase est la manifestation temporelle d'une cohésion idéale éternelle . Si même il était possible en théorie une pensée d'évolution libre, cette pensée serait incohérente, à la limite inintelligible, un cadavre exquis . Elle ne serait pas, d'ailleurs, nécessairement puissante, mais reflet de l'incohérence insaisissable de l'éphémère, et pourrait être vacuité et image de la vacuité . La pensée, dans la forme du Verbe, est le logos commun vu déjà par Héraclite – elle n'est pas le lieu de l'individuation humaine, mais de la communauté et de l'union construite par la communication même . Cette fonction de média de communication généralisé de la langue est évidente, mais pourtant contraire à certaines idéologies modernes .

Ce point mérite d'être approfondi . Il est évident qu'une pensée de la nature de la langue comme lieu de formulation indéfinie de systèmes du monde différents et individuels – une utopie moderne disons deleuzienne - présenterait deux écueils au moins : tout d'abord, elle rendrait si elle était sincère dans sa finalité la communication extrêmement difficile, voire impensable, par manque de réduction de l'incertitude par l'implicite partagé de tout acte de communication ; mais surtout elle est, dans sa pratique effective en acte, l'oubli ou le voilement volontaire de son caractère matriciel, à savoir que comme matrice unique de production de sous-systèmes communicants, elle ne serait rien d'autre qu'une figure de l'ancienne métaphysique cachant la forêt derrière les arbres – ou la nouvelle Église universelle de la différence .

Les pensées qui peuvent être nommées comme deleuziennes par idéal-type plus que par lecture effective sont des sphères organisant un voilement de la vérité – les formulations d'une idéologie, et non d'une pensée . Elles évoquent la diversité dans une unité matricielle effective, selon une double contrainte typique . Cette double contrainte est évidente dans mille plateaux, quand il s'agit d'établir un mode de classification qui n'ait pas les contraintes unificatrices et hiérarchisantes des classifications par arborescences, tout en classant ce mode de classification, le rhizome, au sommet hiérarchique des modes de classification – c'est à dire quand la finalité explicite du travail sur les classifications hiérarchiques est nié par la pratique effective de la classification des classifications qui s'effectue dans le discours . Dire : le rhizome est le seul mode de classification non-fasciste est en effet dire le rhizome est le meilleur mode de classification, non ?

L'idéologie du « surgissement de la différence » a donc deux faces : un explicite hétérophile, et un implicite de normalisation et de neutralisation de la différence qui fonde une unité matricielle, la matrice de toutes les différences légitimes . Unité matricielle au nom du Bien – le vivre ensemble, le respect des différences - qui ne cesse de se nier comme unité moralisatrice, et donc unification, domination d'un logos idéologique qui désigne toute négation comme fasciste – Cette pensée du « surgissement de la différence » ne respecte-t-elle pas par principe toutes les différences ? Comment pourrait-on sans mauvaise folie typique des hérétiques lui prêter les caractères d'une pensée autoritaire, sinon totalitaire ?

Et pourtant ! Cette pensée matricielle du rhizome est le miroir de la société totalitaire matriarcale que met en place le Système au nom de la Diversité hypostasiée . Matriarcale, selon les termes par exemple de Virginie Despentes dans King Kong Théorie, non selon une réalité historique ou sexuelle . La domination « patriarcale » est basée ouvertement sur la violence et sur une loi explicite externalisée, transcendante, le despotisme éclairé ou non . Le troisième totalitarisme présente lui des formes « matriarcales ».

La domination matriarcale, visible chez des mères abusives, est une domination qui se nie comme telle, qui se nie comme violence, donc sans loi explicite autre que « la loi de l'amour » . Fondée sur de multiples dénis – déni de la domination effective, permettant de présenter le dominant comme victime ; déni de l'autorité ; déni de la manipulation des sentiments le plus souvent consciemment effectuée, cette domination par sa nature de mensonge produit un spectacle qui est le renversement fictif de la domination effective . Ce monde renversé se retrouve tant, historiquement, dans la pratique de la « dictature du prolétariat », que dans l'imposition légale de la « parité » par « les femmes dominées dans une société machiste », « classe sociale sexuelle opprimée » capable de fonder des lois créant une discrimination favorable à ses intérêts, ce que les hommes ouvriers ne peuvent obtenir depuis 1936 .

Dans une perspective systémique, la domination « matriarcale » de ce type écrase la liberté de son objet de domination de doubles contraintes et de culpabilisation : par exemple, elle ordonne implicitement d'aimer la source de l'ordre qui étouffe, ou désigne comme méchanceté ou ingratitude (ou complot bourgeois, ou machiste) toute révolte effective . C'est une domination qui se présente comme soin et comme amour – comme prévention, comme hygiène, comme progrès, comme égalité - en étouffant effectivement la liberté de son objet d'asservissement – et le modèle moderne du troisième totalitarisme se nourrit d'abord de cette forme de domination . Le règne du mensonge, le Spectacle, est au cœur de son processus de pouvoir . Elle est en effet une domination étouffante mais masquée, indéfinie, statistique, et contre laquelle il est très difficile de lutter .

Car dans la société post-moderne il est toujours possible de trouver des exemples de liberté, et d'abord l'exemple de l'auteur même de la critique . Ne critique-t-il pas librement ? Quels sont les risques de la critique ? Rien de plus que la solitude et l'isolement . Oui, une interdiction brutale démasquerait la domination qui se nie, et permettrait une lutte organisée . Sans interdire, il suffit de laisser la censure par le bruit officier, les millions d'opinions qui s'expriment librement heure par heure, minute par minute, et ce simple flux suffit à lui seul à rendre inaudible la plupart des dissidences . Ce flux, par ailleurs, permet de rendre les expressions les plus grotesques, les propos racistes ou antisémites, équivalentes des expressions dissidentes . Le simple laisser dire permet de rendre la dissidence et le tuning strictement égaux, c'est à dire d'en annihiler toute portée effective de menace envers la domination du Système . La dissidence n'est pas écrasée, elle est engluée, étouffée, usée .

Invoquer l'arbitraire de l'opinion permet de passer sous silence les problèmes posés par la dissidence, de ne pas les traiter : comment vivre, comment penser à côté du monde moderne sans en être exclu ? Pourquoi la multiplication des moyens d'expression, les centaines de chaînes de télévision par exemple, ne permet aucune expression de différences significatives, par exemple ? Pourquoi les personnes qui s'insurgent contre le Système moderne, qui ont une tradition intellectuelle et littéraire indubitable, ne peuvent-elle pas avoir leur chaîne de télévision, quand la plupart des chaînes défendent visiblement des intérêts ? Je ne demande pas de chaîne de télévision, je pose la question : pourquoi est-ce impossible ? Pourquoi n'existe-t-il pas de chaîne régionale en langue autochtone ? Pourquoi les nationalistes corses et les islamistes sont-ils toujours caricaturés ? Pourquoi ne caricature-ton pas les caricaturistes devenus cadres du Système ?

Pourquoi les médias peuvent choisir souverainement qui s'exprime, et comment ? Pourquoi les chiens de garde ne sont-ils jamais mordus ? Pourquoi l'État de droit, et l'Union Européenne, permettent aux entreprises du Net, qui de fait contrôlent des espaces publics d'expression, de censurer sans préavis, sans droit de défense, sans justification aucune dans les faits – nombreux – des expressions publiques ? Pourquoi le fait de contrôler des espaces publics n'entrainerait aucune obligation de respecter la loi ? Le droit ne s'appliquerait plus dans tous les espaces ? Pourquoi les partis représentés à l'Assemblée Nationale, un parlement croupion, ne représentent-ils que moins de la moitié des électeurs ? Pourquoi les sénateurs ? Pourquoi l'Université, par exemple en philosophie, ignore-t-elle la théorie du bloom et diffuse - t-elle des livres de qualité minable ? Pourquoi une idéologie sectaire comme les Gender Studies, dénoncée tant par Elisabeth Badinter que par Marcela Iacub, par exemple, est-elle en train de conquérir l'Université française après avoir crée un climat d'intimidation dans les Universités anglo-saxonnes ? Pourquoi finance-t-on des masters de Gender Studies et pas de lutte des classes ? Pourquoi parle-t-on tellement plus des injustices frappant les femmes cadres que de celles frappant les ploucs ruraux, tellement plus dures ?

Pourquoi certains hommes condamnés par la justice, et ayant accomplis leur peine peuvent trouver des emplois d'État prestigieux, et d'autres sous-fifres non, avec de grandes déclarations morales des chefs à leur encontre ? Pourquoi Patrick Poivre d'Arvor peut-il passer pour un homme de gauche ou un homme de culture ? Pourquoi un homme politique peut-il proclamer en 2012 « mon candidat a fait inscrire la laïcité dans la constitution » sans être ridicule ? Pourquoi les vies sont-elles si différentes selon votre étoile de naissance ? Pourquoi est-ce que « Liberté Égalité Fraternité » est-il devenu un slogan surréaliste ? Pourquoi paie-t-on moins de huit cents euros un apprenti, deux mille euros un gardien de prison ou un prof, trois mille un retraité moyen, quatre mille euros un commercial, sept mille un officier de police, un million un footballeur, et zéro un poète ? Pourquoi accepte-t-on de voir les routes pleines de campings-cars de retraités quand des travailleurs ne peuvent loger leurs familles ? Pourquoi est-il si difficile de parler de dignité au travail, ou de traiter dignement les gens aux Pôle Emploi ? Pourquoi le monde est-il si massivement laid et prétentieux ? Pourquoi une société aussi riche que la nôtre ne peut être mécène à la hauteur d'Athènes et de Florence ? Quelle sens a la vie des Européens à qui l'on dit que les trente prochaines années seront consacrées à travailler pour rembourser les dettes des États, lesquels États ont distribué au riches propriétaires des réductions d'impôts en empruntant ? Pourquoi la Maison des Poètes de Saint-Malo est tenue par les mêmes personnes depuis trente ans ? Pourquoi un idiot est-il présenté comme un poète sans faire rire ? Pourquoi faut-il entendre tant de mensonges lors des élections ?

Il est aisé de filtrer ces propos à l'échelle du Système en disant : ah, tu critiques, mais tu ne demandes que du pouvoir et de l'argent, toi aussi ! Il m'est non moins aisé de répondre : si cela était vrai, si c'était le seul objectif, pourquoi ne pas me reconvertir en commercial ? Je dis simplement : un homme qui ne veut ni être commercial, ni policier, mais écrivain, dire ce qu'il voit et ce qu'il pense sans participer au Spectacle, peut-il vivre dignement dans le Système ? La réponse est très simple : une telle exigence était plus facile pour un citoyen d'Athènes que pour un citoyen de l'Union Européenne . Il est tout simplement extrêmement difficile de ne pas jouer le jeu du Système, et de prétendre vivre sans jouer, sans « penser à son employabilité », sans s'excuser de son parasitisme .

Penser une politique du crépuscule est refuser le jeu, et donc le gain qu'il semble promettre . Accepter un dépouillement, et non les accumulations de choses . Chercher non des grands projets pour mille ans, mais chercher comment vivre dans la vérité, ici et maintenant . Comment retrouver liberté et dignité, vivre l'instant sans « désirs d'avenirs » frelatés, ou « employabilité » . Vivre cette nudité là, sans se la raconter, vivre le nu, la peau, l'immédiat insaisissable – c'est le radicalisme même .




***


Notre société, notre tyrannie floue, est une société de répression ouverte, et encore plus de répression masquée . Il y a un processus global d'aggravation de la répression, passant de la répression masquée comme avant-garde, puis vers la répression ouverte, revendiquant sa « justice » et sa « normalité » . Comme Marcela Iacub, je reviens à l'exemple de DSK, quand certains de ses « amis » disaient que même s'il était innocent de violences sexuelles, il n'avait pas une vie privée lui permettant d'être président . Peu on protesté, mais l'expression de telles opinions n'est rien d'autre que de la tyrannie en acte . Il est des vies privées respectueuses de la loi, mais indignes, et méritant une mise à l'écart sociale ? La répression masquée s'ancre, au point de faire oublier la liberté qu'elle étouffe, puis vient la répression ouverte . Herbert Marcuse, parlant de la libération du désir dans la société de consommation, avait parlé de désublimation répressive . Il faut parler de nos jours du féminisme punitif, de l'idéologie de la diversité répressive .

Exagération ? L'idéologie moderne du « surgissement de la différence » n'est pas uniformisante ? Il est un autre fait vécu : tous les apôtres modernes de la différence se ressemblent, et répètent indéfiniment des slogans analogues . Les répétiteurs de « la diversité » tendent à dominer les voies du pouvoir intellectuel, la presse, l'édition et l'université, et à dominer l'inspiration idéologique de l'État, par les lois, règlement et « informations » . La domination des superstructures n'a jamais été libératrice ou subversive, sinon pour les ruraux qui y ont cru . Je crois incontestable au contraire qu'il s'agit d'un courant idéologique unique, et unidimensionnel .

L'unité matricielle comme « pur surgissement des différences » est aussi un puissant dispositif de neutralisation des différences effectives, c'est à dire qui interviennent dans les classifications de la vie . En effet, cette idéologie est à la fois le culte de « la différence » en soi et le refus de toute distinction, et plus encore de toute distinction qualitative . Pour parler de différence, il faut parler de distinction, de distance avec autre chose . Et dans cette idéologie distinction et distance sont fascistes, sauf vis à vis des « fascistes » ou des « réactionnaires », c'est à dire de tous ceux qui ne baissent pas la tête devant l'intimidation morale, c'est à dire une expression autorisée de l'idéologie .

Pourtant, le monde humain est une totalité systémique, c'est à dire que changer réellement un aspect est enclencher des processus de changement de la totalité . Dit autrement, l'exercice effectif de la liberté individuelle est une puissance de transformation effective des conditions légales d'expression de la liberté de tous . Une différence significative est ce quelque chose qui transforme une totalité . Or, le principe libéral est par excellence que l'exercice de la liberté individuelle ne doit pas changer les conditions d'expression légales de la liberté de tous – ou vulgairement, que la liberté de l'un s'arrête ou commence celle des autres . Mais cette limite apparemment large est en réalité susceptible de toutes les interprétations limitatives des des puissants « défenseurs de la démocratie », qui de ce fait défendent des espaces de non-droit au nom de la défense du droit .

Le « surgissement de la différence »légitime n'est légitime que s'il respecte le cadre posé à l'avance de l'expression des différences . Ce cadre est de fait la domination oligarchique et ses appuis . Aucune différence ne doit être de nature à réellement changer les règles du jeu social ou la communauté de manière essentielle . Un tel dispositif n'est pas celui qui permet l'invention de mondes, mais celui qui neutralise l'expression de la différence qu'il prétend soutenir . Une loi nouvelle qui n'est appliquée que par un homme n'est pas un nouvel Éon, mais l'interdiction effective et inavouée de d'appliquer une loi nouvelle, car une loi est un lien régulé entre des hommes, un média de communication . Une loi nouvelle à qui l'on interdit toute contrainte ou toute éducation des enfants dans son cadre n'est pas en position d'égalité par rapport à la loi libérale, mais en position de subordination . Une loi, quand une communauté décide de se l'appliquer, doit aussi s'instituer comme contrainte, même immanente . Enfin, une loi nouvelle plus exigeante que l'ancienne, et reposant sur le strict volontariat, ne peut s'instituer effectivement, sinon de manière rarissime . Très clairement, le « surgissement des différences » et l'idéologie de l'individu tout puissant sont des remparts inexpugnables du modèle libéral .

L'idéologie du « surgissement des différences » est celle de la neutralisation des différences par la stochastique des individus enfermés en eux même, et par la mise sur le même plan de toutes les « différences », depuis une pensée jusqu'à une coupe de cheveux . C'est une idéologie de la bouillie, quoi .

L'unité de surgissement de la différence significative dans le temps est la communauté humaine définissant des règles nouvelles communes, et puissance de fonder un nouveau monde humain . L'unité du surgissement n'est pas l'individu, mais la communauté, mais la horde, mais le mouvement social et culturel, tellement décrié dans la société des individus, comme les hippies, des rigolos, des mangeurs de fromage de chèvre irresponsables, ces victimes – ce mépris qui n'est qu'une version plus douce de la haine des hommes libres par les ploucs tarés qui se manifeste dans le film Easy rider .

Je viens pour affirmer solennellement : il faut au moins trois hommes pour faire vivre une idée philosophique . La communauté en acte est la vie incarnée de l'idée . Il en est de même de la réalité de l'amour : il n'est pas d'amour pour l'homme seul . Il n'y a jamais eu de surgissement effectif des différences, de surgissement vivant, en dehors des communautés humaines . Il n'est pas de situations puissantes pour l'homme seul .

Chez les peuples indo-européens comme les autres, Ordre et Souveraineté sont la forme dont les individus sont la matière, même si multiples sont les ordres et les souverainetés . Ordre et Souveraineté sont les unités de la liberté humaine créatrice d'ordre et de mondes . Et des thèmes comme « la laïcité » et le spectacle du renvoi de la transcendance dans le passé obscur ne sont rien de plus que la position impensée de l'Ordre et de la Souveraineté de la "Raison"fictive de l'idéologie racine - la secte de l'ordre "qui n'ordonne pas"dans le Spectacle, et ordonne au plus bas – humilie, méprise - ceux qui désirent ou reconnaissent penser ordonner des mondes nouveaux - autrement dit, "l'ordre qui dit ne pas ordonner" est l'idéologie du Système matriarcal telle qu'en elle-même.

La conséquence de ce fait certain est qu'une légalité n'autorisant d'expérimentation d'ordres nouveaux qu'individuels ou familiaux, et sans contraintes supplémentaires – le modèle libéral – est, sous tous les masques de liberté que le Spectacle peut proclamer, un ordre de normalisation et de neutralisation de la vie créatrice d'ordre de l'homme, cette puissance de voies indéfinies et d'aubes d'étés .

Cette réflexion nous conduit à chercher à formuler les exigences qui fondent une liberté effective, immédiate .

Aucun commentaire: