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Canal synthétique de la IIème Internationale Situationniste Immédiatiste.

samedi 6 septembre 2008

Semiotical Underground Global Fighting Machine



(http://www.flickr.com/photos/olivier-tibloux/399661387/in/set-72157604833158725/)



L'Encyclopédie du Souterrain est une machine de guerre métaphysique contre le système général du monde, contre l'ennui et le vide des sociétés modernes.
Le système moderne revendique quatre objectifs:

-La PAIX, en mettant toutes les énergies au service de la production de richesse.
-Le BONHEUR individuel par la liberté de chacun de le construire et d'en avoir les ressources.
-Le DROIT comme règne, appelé État de Droit ou démocratie
-Le libre MARCHE garantie de l'EQUILIBRE du système.

L'Encyclopédie montre que la guerre de tous contre tous et le droit de tous sur tout est en train d'établir une tyrannie nouvelle, beaucoup plus puissante, difficile à nommer et à décrire, et aussi dangereuse que celles qui l'ont précédé. La tyrannie floue. Bref, que le projet libéral est de plus en plus éloigné de la route réelle du libéralisme, qui est la vraie "route de la servitude". Cet accomplissement logique du système, que nous nommons son entéléchie, n'est pas les projets et les désirs des promoteurs, mais la réalité de sa voie.

Les énergies mises au service de la production sont en réalité une maximisation permanente du déploiement de puissance. Le vecteur de l'entéléchie libérale est cette recherche obscure, aveugle, inconsciente, de maximisation de la puissance. Le système a une réalité organique parasitaire, où les fonctions d'assimilation, d'excrétion et de reproduction annihilent les fonctions nerveuses qui deviennent des survivances. Il est ingouvernable et ingouverné, malgré les leviers disponibles. C'est un navire massif au gouvernail affaibli, porteur d'une inertie indéfinie, au fond inconnue de ses prétendus possesseurs. Cette énorme puissance qui devait rendre l'homme maître et possesseur de la Nature a rendu l'homme esclave de la puissance, alors même que depuis longtemps elle dévore l'homme, dans les guerres toujours recommencées, totales, inexpiables, sans négociations possibles, et dans les pollutions brutales ou lentes qui provoquent des mortalités cancéreuses de plus en plus évidentes et brutales. La mégamachine détruit les conditions de la vie biologique, celle du corps, mais aussi les conditions de dignité : elle arraisonne l'âme et l'esprit tant qu'elle peut. Car l'énorme puissance destructrice qui se déchaine si insidieusement ne peut vaincre l'esprit humain que par la mainmise sur les corps.

L'immense production de richesses ne sert que dans le mythe à délivrer l'homme du travail et à permettre le loisir ; le client de Disneyland travaille à consommer comme au bureau, à l'usine, il travaille à produire. La faim et le déclassement restent des peurs profondes dans une société gorgée de biens. L'arrachement à l'antique malédiction du travail n'est nullement réalisée.

La liberté ne sert dans le système, par la double contrainte, à faire désirer ce qui est utile pour le système. La manipulation du désir est extrême ; le désir est focalisé sur ce qui sert la puissance et exclut toute sublimation. Le système nie le sublime qui constitue l'homme. Dans le système de la liberté, le marché contraint à être rationnel, c'est à dire que la liberté rationnelle produit par un déterminisme de fer la lutte de tous contre tous et la tyrannie diluée, présente par tous les regards humains comme dans l'open space du management moderne.

Le Droit doit être au dessus des conflits d'individus et de groupes. Mais dans ce qui est appelé démocratie libérale, aucune barrière de droit n'empêche un tout petit nombre, une oligarchie, d'accumuler des biens au delà de toute rationalité publique, et de contrôler le pouvoir par la possession absolue des moyens de propagande de masse, les médias. Aucune loi anti-trust, aucune liberté proclamée n'a tenu. Le droit est manipulé pour garantir l'impunité, que dis-je, l'immunité en droit à l'oligarchie dans tous les pays du monde.
Le Droit n'a aucune légitimité ; et la triche, l'usage du crime et de la violence pour parvenir à ses fins, est glorifié implicitement. Le règne apparent du droit est le règne réel du crime, la guerre civile institutionnalisée.

Comme l'Etat sert les intérêts de l'oligarchie, la vérité n'est pas le marché mais la constitution d'oligopoles géants arc-boutés au pouvoirs politiques. Le libre marché est un mythe dans le monde moderne, là où l'oppression par la faim est bien réelle. L'appropriation privée oligopolistique des besoins humains élémentaires ou systémiques les plus répandus, l'eau, l'alimentation, la santé, l'énergie, la banque, les communications n'est pas une concurrence favorable à l'innovation mais le détournement de la richesse produite vers l'oligarchie. Au prix de risques technologiques qui échappent à la prévision et à la responsabilité.

Le système n'a pas d'équilibre, il est comme une marche sur une pente, où un déséquilibre en entraîne un autre. Il est ivresse de la vitesse et sottise. Sa logique interne est inflationniste : les produits du système deviennent les aliments d'une nouvelle croissance du déploiement de puissance. Cette inflation de la puissance se fait en extensivité, par l'envahissement du monde, mais surtout aujourd'hui en intensivité : l'arraisonnement de l'être par le commerce et la technique ouvre sans cesse de nouveaux chantiers. Les biotechnologies font des corps vivants et de ses transformation une nouvelle carrière à percer.

L'intensivité oblige à renier toutes les valeurs, ou "tabous", qui protégeaient des pratiques commerciales et techniques des pans entiers de l'être. Ce qui échappe est nié, néantisé. Les cultures mondiales sont détruites par le processus, inévitablement. Mais l'intensivité surtout se tourne contre l'homme, et ainsi l'entéléchie du système tend à produire un homme nouveau ayant abdiqué ce qui définissait culturellement l'homme. Cette direction est la voie de la production d'un totalitarisme extrême, d'une essence inédite. Léviathan apparait dans les laboratoires sociaux du monde moderne.

Nous n'avons pas le choix entre le libéralisme et le totalitarisme, mais entre le cauchemar totalitaire qui s'infiltre dans le libéralisme, l'énorme monstre naissant, méduse versicolore, et la puissance d'imagination et d'expérimentation. Les totalitarismes modernes, qui peuvent être interprétés comme des réactions, ont servi l'entéléchie de maximisation du déploiement de la puissance. Les totalitarismes, nos images de l'Enfer, ne sont pas si éloignés de nous.

Nous ne pouvons pas dans l'état actuel penser et dire le nouveau avec clarté et aisance. Et la transformation est source d'angoisse et d'effort. Mais l'Encyclopédie n'est ni puritaine, ni portée sur la générosité verbale et la bien pensance à la moraline de certains modernes "anticapitalistes". L'oxymore du politiquement correct est d'utiliser le machiavélisme et la répression pour diffuser le respect ; de mentir plutôt que de changer le monde ; de croire que des mots rendent le système compatible avec la morale, comme dans le "développement durable", la "guerre propre", ou "l'homoparentalité". Il va falloir ajouter "le sourire du cancer", le "bonheur du handicap"?

Le dandysme et la jouissance, comme l'ascèse, sont des voies. Pas la tiédeur.

L'Encyclopédie est mal-pensante. Affreusement. Elle aime autant le sang et la mort dans la vie que les chatons sur des coussins pastels. La corrida est un Art noble. L'homme cruel doit se nourrir de chair crue. Comme Alice, nous ne voulons pas de promesses : "confiture hier, confiture demain, jamais confiture aujourd'hui!". La vie doit être intense maintenant. La condamnation première du monde moderne porte sur son vide.

C'est la Raison elle même qui doit condamner la folie du système. La force d'affrontement nécessaire ne peut être comptée.

On constate un écart très neuf entre l'énorme accélération du système et le retard massif, le caractère artisanal de l'inventaire. Des personnes isolées, Maistre, Arendt, Heidegger, Marx, l'école de Francfort avec la dialectique des Lumières, Ellul, Halimi, Debord, Michéa...Les spécialistes sont de plus très divisés par leurs origines intellectuelles.

Le libéralisme est un échec, et l'Encyclopédie en dresse la condamnation, l'inventaire, et en pense la transformation de manière systématique : un système anti-système, une megamachine sémiotique antimachine. Les dialectiques sont permanentes dans cette guerre.

La guerre ouverte il y a des siècles n'est nullement gagnée malgré toutes les batailles. La guerre contre une entéléchie mortifère ne peut être perdue. L'œuvre de l'Encyclopédie durera, comme a durée la première.

Notre génération et les suivantes devront inventer, imaginer le réel à nouveau, pour ne pas être écrasé par lui.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je découvre votre étrange blog par l'entremise d'un autre et ne peux que saluer l'intensité de vos écrits. Tout particulièrement celui sur l'écologie, le dernier en date, mais également des propos sur l'amour ou la science qui me plaisent assez.
Je reviendrai !
(D'autant que je découvre à présent votre Encyclopédie où je poste ce commentaire car je n'y suis pas parvenu sur le blog)