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Canal synthétique de la IIème Internationale Situationniste Immédiatiste.

vendredi 17 février 2012

L'économie construction symbolique de la domination, II . Fonction du thème de la séparation entre « économie » et « politique » dans l'idéologie .

(Palette de Narmer - Ancien Empire)


L'Amour, principe d'ordre pour l'ensemble des dieux ainsi que des hommes, chef de chœur le plus beau et le meilleur, que doit suivre tout homme, en chantant avec harmonie sa partie et en participant à cette symphonie par laquelle ce magicien charme l'esprit des dieux et des hommes . (Platon, Banquet .)

Le terme d' « économie » est très ancien, et j'imagine que l'on en retrouve les linéaments étymologiques dans le premier traité d'économie venu . En grec, il vient de la maison, oikos, au sens antique, comme base autonome durable de la vie humaine . Pour Aristote comme pour Xénophon, l'économie est la base matérielle de la vie du citoyen, base autonome qui fonde sa liberté . C'est à dire que la Cité, la vie politique comme vie commune, est postérieure à cette racine, racine de laquelle proviennent aussi les enfants, par exemple . La maison est alors ce dont le fonctionnement régulier et indépendant libère l'homme des soucis matériels de la vie, pour lui permettre de mener une vie digne, la vie de l'otium, du loisir du citoyen, de l'amitié, de la pensée . Autant dire que l'économie est à la fois vitale, liée à la terre et au sang, au culte des ancêtres et de la fertilité, et subordonnée .

Dans Homo Sacer, II,2 la Puissance et la Gloire, pour une généalogie théologique de l'économie et du gouvernement Agamben étudie l'archéologie théologique de l'économie moderne . L'économie devient dans le monde hellénistique le nom de l'harmonie obtenue par une juste subordination, et se retrouve ainsi en théologie dans l'économie de la grâce, ou même l'économie trinitaire . De ce fait il est une économie hiérarchique de la descente de la lumière à travers les arcanes des hiérarchies angéliques, hiérarchie signifiant un ordre fondé sur le hiéros, le sacré . L'économie est le mot qui désigne ainsi, de manière providentielle, les caractères systémiques ou dialectiques de l'ordre humain ou divin, l'équilibre de la lumière et de l'obscurité . Par exemple, le dépouillement de la mort du Christ, la kénose ou anéantissement du sauveur, est un facteur dynamique la puissance du règne du Christ, selon la parole les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers .

Mais Agamben est enfermé dans des préjugés rationalistes : tout d'abord, il semble supposer que l'archéologie théologique de l'économie est une dénonciation suffisante de l'économie moderne, autrement dit que la théologie est en soi une source souillée . De ce fait il tend à voir du continu entre théologie et économie moderne, ce qui n'est pas absolument faux, si l'on ne manque pas le fait essentiel que la transformation de la théologie à l'économie est aussi une inversion . La notion d'économie antique est bien celle des institutions de la France d'Ancien Régime que retrouve Roland Mousnier, l'idée d'une harmonie hiérarchique orientée verticalement, excluant la compétition entre les hommes . Ils n'y a pas de perdants dans la pensée d'un Origène, par exemple . Il n'y a pas d'exclus, pas d'exclusion . Il n'y a pas de marché libre et non faussé de la grâce .

Agamben est complètement à côté de la plaque par son hostilité de principe, déliée de toute compréhension des enjeux, envers toute pensée hiérarchique . Il semble aux modernes que cette pensée est totalitaire, alors qu'elle est organique . Contrairement aux régimes totalitaires qui sont homophiles, et veulent aligner les hommes sur un modèle unique et une finalité de déploiement terrestre de la puissance, la pensée organique est hétérophile, elle admet la différence sans aucune limite .

Elle dit que tout être a sa place, et qu'elle lui est parfaite, y compris le pauvre, le fou, par exemple, et même le méchant, le pécheur ou le saint, ou encore l'animal . La pensée hiérarchique antique prend comme science de référence, souvent, la musique, et l'harmonie . Les différentes puissantes, les différentes hiérarchies fondent l'unité de l'harmonie, de l'économie générale . La pensée hiérarchique antique n'est pas dans la généalogie de l'économie moderne, sinon comme l'apparition d'une inversion, comme l'idée nouvelle et opposée un ordre immanent basé sur la compétition des individus touts égaux, et donc tous concurrents . Les modernes croient que de dire à chacun de faire le plus de bruit possible suffit à fait une symphonie .

Je ne crois pas qu'une pensée organique de la société soit aisée à ce jour . Cette pensée était l'idéal d'anciens cycles, mais elle n'a pas été réalisée de manière incontestable dans l'histoire connue . L'hétérophilie n'est pas une tendance spontanée des groupes humains, bien au contraire . Pourtant la pensée organique est justement celle qui, dans ses fondements, est radicalement étrangère à notre propre modèle social . Elle est donc par excellence une pensée subversive .

La liberté antique, celle d'un Epictète ou d'un Marc Aurèle, par exemple, n'est pas la nôtre, celle de faire ce que « je » veut ; la liberté antique consiste à se connaître soi-même, c'est à dire à connaître son essence, sa nature, à savoir sa place dans l'économie générale, et à aimer cette place parfaite en soi . La liberté antique est connaissance et amour du destin, elle est modestie cosmique, et non narcissique-hédoniste comme la nôtre .

Bien sûr, cela est susceptible d'être indéfiniment nuancé avec raison ; mais le seul point qui m'importe ici est de montrer qu'en manquant une pleine compréhension de la puissance cosmique de la pensée théologique de « l'économie », et parallèlement en occultant notre distance à cette pensée, Agamben échoue à en extraire toute la moelle subversive pour l'idéologie moderne .


***


Revenons à la notion la plus commune de l'économie moderne . Elle est alors l'ensemble de la production, de la répartition et de la consommation des richesses, matérielles ou de services . Elle est souvent posée comme ensemble auto-régulé par la logique du marché, et atteignant par soi-même des situations optimales . A côté de l'économie, il est la politique, qui est la gestion des intérêts collectifs, comme la défense, la sécurité et la justice, la défense, la santé collective .

Dans le langage de l'idéologie libérale, politique et économie sont des domaines séparés . Ainsi un chef de grande entreprise ne fait pas de politique . Un chef d'État, un ministre ne doivent pas produire de richesses . Très bien . Pourtant la monnaie est censée être un privilège souverain des États . Pourtant, en France, plus de la moitié du PIB est redistribuée par « l'État » . Il s'ensuit que la séparation n'est pour le moins, pas nette .

J'attirerais votre attention sur un exemple historique : celui de l'Égypte ancienne . Là encore, il ne s'agit pas d'être d'une grande exactitude, mais de poser des principes simples et faciles à comprendre , qui semblent souvent voilés .

Le Nil permettait à une population d'agriculteurs de produire des richesses, des grains . Un surplus était produit, qui était stocké . Il était l'objet d'envies, et donc de tentatives de vol . Admettons qu'un homme se propose de protéger une communauté paysanne de cent personnes contre un dixième de leur grain, et que cela soit accepté : cet homme serait dix fois plus riche que le paysan moyen, et pourrait s'entraîner à la guerre, et payer des hommes à son service . La situation est encore réversible par une révolte ou un assassinat . S'il fait la guerre aux communautés avoisinantes, il peut à chaque fois prendre la place du protecteur des autres, et ainsi protéger mille hommes, et devenir cent fois plus riche qu'un homme moyen . Bien sûr, il doit avoir des hommes chargés de prélever le dixième, et sa puissance en fait l'arbitre des conflits . Il peut se construire un château et s'habiller richement .

L'Égypte s'est ainsi vu partager en une dizaine de domaines en guerre . Puis, très logiquement, il n'en n'est resté que deux, puis un seul, le royaume gouverné par le Pharaon de Haute et de Basse Égypte . La situation est irréversible, car l'écart de l'homme moyen au Pharaon est de un à plusieurs millions, et qu'il a désormais des milliers de serviteurs, armés ou non . Le pharaon mort sera remplacé dans l'intérêt de tous . Seul un grand empire peut attaquer l'Égypte et remplacer le Pharaon, mais pas un petit nombre d'hommes moyens, en dehors de périodes de fragilité exceptionnelle du pouvoir .

Globalement, je suis sûr que toutes les oligarchies anciennes tiennent leur puissance de leur capacité à prélever une partie des richesses produites ; et cette partie peut être très petite si les populations concernées sont très vastes . Par ailleurs, le prélèvement est justifié de mille manières, mais il est indispensable d'avoir le dernier mot par la force en cas de besoin, c'est à dire que la puissance militaire est une obligation de survie pour ces oligarchies anciennes .

L'État de l'Égypte antique, par exemple sous les Lagides, est essentiellement un vaste dispositif coordonné de production, supervision et de récupération des surplus agricoles de la Vallée du Nil, et accessoirement de toutes les autres richesses de l'Égypte . L'État est originairement la plus puissante, car la plus riche de toutes les organisations humaines . Quand le fond de la production de richesses est l'agriculture, il est possible de créer de vastes empires prélevant les surplus agricoles sur d'immenses distances, ainsi l'Empire Perse, l'Empire Romain, l'Empire Chinois, et j'en passe .

La cas de la liberté des Cités États de la Grèce est une forme assez exceptionnelle, liée à des conditions dont les Grecs étaient parfaitement conscients . Tout d'abord, la production économique, d'abord agricole devait être aussi subordonnée et indépendante que possible, les grecs ayant un niveau de vie extrêmement réduit, même comparés à d'autres peuples contemporains . Ensuite il ne devait pas être accepté de salariat, car pour les grecs le salariat marquant une dépendance indigne du citoyen (imaginez l'application de cette règle en Europe...) . L'économie esclavagiste des grecs marquait cette stricte subordination de la production, et le peu qui en était attendu . Les citoyens assuraient eux-même les cultes et les mystères . Enfin, point essentiel, les citoyens devaient assumer leur propre défense, car toute dépendance militaire était immédiatement vue, avec raison, comme voie d'asservissement . Dans la plupart des Cités grecques, l'incapacité militaire était incompatible avec la citoyenneté effective, ce qui explique l'exclusion des femmes et des handicapés . En résumé, la liberté grecque reposait sur la neutralisation consciente des tendances qui avaient permis la création des États impériaux qui entouraient la Grèce, comme l'Égypte ou l'Empire Perse . Des dispositifs juridiques interdisaient la création de castes militaires indépendantes des citoyens, de castes de prêtres, d'impôts non contrôlés par la Cité . Il me paraît probable que la séparation du Politique et de l'économique qui se trouve aux racines grecques de notre pensée résulte d'abord d'une subordination radicale et consciente de l'intendance dans la Cité .

L'État par contre, sur le modèle antique comme sur le modèle moderne, est avant tout une organisation qui prélève une rente sur l'économie globale d'un territoire qu'il contrôle . Les distinctions juridiques, qui place dans ou hors de l'État les modes de prélèvement, ne doivent pas masquer que le prélèvement d'une rente est l'essence de la puissance . La société d'Ancien Régime, là encore, illustre que le manque de clarté sur ce point n'est pas un problème . Les droits issus d'un fief tenu du Roi, et versés à un vassal du Roi vivant à la cour sont ils des richesses publiques ou privées ? Qu'importe dans l'analyse purement économique des modes de domination . Le prélèvement d'une rente est ce que la mafia appelle « protection », exactement . Pour prélever une rente, il est possible de prélever une part de toutes les richesses produites ou une part de toutes les transactions, ou une part de tous les biens transportés, ou de se donner le monopole de certains produits essentiels à tous, comme le sel sous l'Ancien Régime . Les actions visant à optimiser la production de richesse, ou à garantir un ordre juridique empêchant la destruction de richesse, ou encore à protéger ses possessions, relèvent de la logique de ce prélèvement . Il est à noter que la justification de ces prélèvements, dans nombre de formes étatiques, repose sur la notion de propriété ( le Roi est propriétaire de toutes les terres du Royaume et demande un loyer), ou sur la notion de service (Le Roi entretient les routes, les postes, vous protège et vous rend la Justice) . La notion de service est évidemment beaucoup plus susceptible de faire de l'État une organisation aux effets positifs pour l'humanité, et permet de poser des bornes à l'organisation – État, ce que la propriété ne permet pas . Ce qui est certain, c'est que l'activité de l'État ne peut être que fictivement considérée comme étrangère à l' « économie » .

Dans le cadre capitaliste sont apparues d'autres formes de prélèvement . Ces prélèvements se sont placés « en dehors de l'État », et aujourd'hui les États ne sont plus les organisations humaines les plus riches, ni les plus puissantes . Le fait de se donner le contrôle de produits indispensables ou rendus obligatoires (énergie, matières premières, alimentation, eau, habitat, communication, transports, caisses de retraites, assurances, finances...) permet de prélever une rente sur l'économie globale, que ce soit par abonnement, ou par vente . Et c'est exactement ce qui se passe : les plus puissantes entreprises sont celles qui se placent en situation de rente stratégique .

Mais ces entreprises versent une partie de leurs rentes aux États, et plus encore à des hommes de l'État . Il existe une évidente collusion globale entre les États et les entreprises . L'entreprise est beaucoup plus apte à répondre aux besoins de l'oligarchie que les États, parce que l'unique discours de légitimité des entreprises est la propriété ; une entreprise ne rend de service que par des obligations de concurrence et de marché, il n'est pas possible de lui reprocher un manque de service aux populations . Dans une entreprise, le propriétaire est pour ainsi dire tout-puissant, monarque absolu ; et ainsi des formes d'autorité parfaitement brutales peuvent être mises en place dans des Nations proclamant en même temps : Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

La naissance et l'existence d'une oligarchie internationale est directement liée à ce prélèvement non – étatique de rente à l'échelle mondiale . La forme du pouvoir moderne associe l'État réduit de plus en plus à ses « fonctions souveraines », c'est à dire aux services de sécurité indispensables à la vie des entreprises, et « l'économie libre » c'est à dire la libre exploitation internationale des hommes par les grandes entreprises, autre nom de l'économie libre, de la concurrence libre et non faussée . Bien entendu, il s'agit aussi d'empêcher les excès les plus criants de la rente, le simple racket, mais il s'agit surtout de sauver les apparences . Car en réalité, l'oligarchie vise à écraser la notion de service par la toute puissance de la propriété .

Et le rôle de la dette ? De toutes les manières de se créer une rente, le prêt d'argent est une des plus puissantes . Le prêt doit être compris pour ce qu'il est, quand il est étendu à grande échelle, et sur des sommes effectivement non remboursables . Quand une banque prête à « un jeune couple » sur vingt-cinq ans, elle achète un droit de prélèvement sur les richesses de ce jeune couple pour plus de la moitié de leur vie active, sans prendre aucune obligation d'entretien sur le bien . Et le « jeune couple » remboursera deux fois le prix d'achat d'un bien déjà grossièrement surévalué par les entreprises, par le propriétaire du « terrain », le « notaire », les droits de négociation, les « droits de branchement », les « impôts fonciers, la taxe d'habitation, la TVA sur l'électricité, sur l'eau, les droits d'épuration, la taxe sur l'épuration, et criblé de droits divers voire d'une hypothèque . La forme juridique du couple est clairement dans cette optique une structure de domination externe qui se la raconte sur le « libre consentement éclairé » de gens qui n'y comprennent rien . Dit autrement, les structures familiales ne peuvent être posées comme indépendantes de l'ensemble du Système social, même si elles peuvent être plus profondes, c'est à dire en puissance de plus de métamorphoses dans d'autres organisations sociales . Mais revenons aux prêts . En cas de rupture du remboursement, la banque passera heureusement avant les enfants .

Si l'on parle de prêts aux États, donc de dette publique, les hommes politiques élus pour quelques années engagent leurs concitoyens pour des dizaines d'années ; et ces prêts permettent aux propriétaires de capitaux d'avoir une rente effective, puisque le simple service de la dette, ou paiement des intérêts, peut durer indéfiniment sans que « le capital ne soit remboursé » . De ce fait, les propriétaires prélèvent par les États, par les fonctionnaires du fisc, la justice et la police des États, une des premières parts des budgets des États . Et l'on parle de la vertu des victimes, comme de celle des Grecs...La dette publique est un moyen de privatiser massivement le profit de l'impôt, avec le luxe de se prendre des grandes mines morales en plus .

Dans leur situation de toute puissance, les « économistes » des services du Système sont victimes eux aussi du chaos cognitif moderne . Ils exigent le remboursement de la dette publique, en augmentant arbitrairement les intérêts en fonction du risque évalué par eux de non-remboursement, c'est à dire que plus vous avez du mal à payer, plus ils demandent – c'est le vertueux principe des agences de notation . Puis ils exigent des politiques d'austérités qui asphyxient littéralement l'économie, et donc la capacité à rembourser par prélèvement d'une rente ; et comme les perspectives de remboursement s'assombrissent, ils exigent de nouvelles garanties, et ainsi de suite . Il est hors de doute que cette mise à genoux n'est pas rentable, et ne peut avoir en vue une rentabilité . La Grèce est à la fois le hors d'œuvre du dragon qui annonce les tours de vis à venir, et un exemple destiné à terrifier le monde . Il ne s'agit pas de guérir la Grèce, mais de la punir, de la pendre publiquement aux fourches patibulaires du Système .

L'essence absolue du Système, notée par Arendt dans le Système totalitaire n'est pas la rentabilité maximale, mais la domination absolue – Arendt se retrouvant dans l'homo sacer d'Agamben . Ayant à choisir entre la modération du prélèvement et la croissance, ou un prélèvement qui écrase l'économie ou l'entreprise où il est prélevé, les hommes du Système préfèrent le premier avec une régularité qui ne laisse guère de doutes sur ses déterminismes systémiques .

Dans le Système l'État et le pouvoir sont deux, l'État est un sous-système du pouvoir global . Par exemple, il est une idéologie officielle, mais elle pas imposée par l'État, ni même, rarement, par la loi . Elle est imposée par le consensus de l'oligarchie et l'exclusion des autres pensées, au coup par coup . L'idéologie libérale est une idéologie officielle partout, sans que les dissidents puissent l'affronter comme telle . Les dissidents affrontent une idéologie et une force massive, une inertie immense ; mais tous les hommes du Système peuvent leur demander leurs arguments sans cesse, comme si l'idéologie racine, martelée dans tous les organes du Spectacle, ne tenait à ce jour que par des arguments .

L'État est un masque d'une totalité beaucoup plus large . De même, les élections sont un jeu devant une scène qui se vide . L'essentiel du pouvoir n'est plus électoral . Si cet effet de lentille gravitationnelle du Spectacle est vu, effet où une masse sombre et invisible se manifeste en créant une illusion de multiplicité du visible, la compréhension du Système en devient plus aisée .

Si un État continental reprenait le contrôle de l'économie générale de son espace, ce ne serait pas un fait normal de gouvernement, mais bien un coup d'État à ce jour . Le programme du CNR (1944) est le programme d'un retour à l'État, considéré comme au service de tous, des principales rentes de l'économie aujourd'hui pour ainsi dire toutes « privatisées » . L'application européenne du programme du CNR serait un coup d'État, et même une révolution majeure .

L''Etat et la citoyenneté peuvent être d'autant plus larges que leur pouvoir effectif se réduit davantage . Plus le rôle régulateur de la Cité recule, plus les droits politiques peuvent être étendus . Le droit de vote pourrait sans difficulté être étendu à 16 ans, par exemple, ou accordé dès la naissance . Les largesses juridiques ne doivent pas aveugler sur la réalité de l'ampleur de la glaciation sociale en cours dans l'ensemble du monde .

Il faut en finir sur l'aveuglement spectaculaire et idéologique des dissidents . Dans notre propre société, nos catégories d'analyse reposent, entre autres, sur cette séparation fondamentale : il y a d'un côté l'économie, de l'autre le politique . L'économie aurait une sorte d'autonomie magique qui ne relèverait pas de décisions humaines . Les distinctions idéologiques peuvent créer des faits, mais elles ne sont pas des faits, mais des outils de domination . L'économie ainsi entendue est un voile sur des dominations effectives, bien plutôt qu'une science dure dépourvue d'enjeu, neutre ou technique . Quant au storytelling de la dette publique, c'est un instrument d'asservissement .

Pour généraliser, l'étude d'une situation globale de domination doit comprendre les catégories auto-produites d'analyse de la domination comme étant des sous-systèmes fonctionnels de la domination générale, et non comme les points d'appui donnés d'une description critique . Utiliser sans critique la séparation de l'Economie et du Politique dans l'idéologie racine, c'est faire comme si les catégories des lois de Nuremberg devaient servir à décrire de manière pertinente les processus de destruction des juifs d'Europe, ou comme si les catégories du Code Noir étaient extérieures, et outils adaptés d'étude pour la traite des noirs, et non une thématique particulière de cette étude globale .

La séparation du politique et de l'économique est une théorie auto-produite du pouvoir absolu du Capital . La liberté, c'est le retour du politique dans l'économie, c'est l'exercice de la citoyenneté dans les entreprises, c'est le contrôle public de la rente .

Vive la mort !

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