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Canal synthétique de la IIème Internationale Situationniste Immédiatiste.

mercredi 8 juin 2011

Problème, V : L'idéologie comme nivellement exterminateur des mondes .


(Noyades de Nantes parle Conventionnel Carrier en 1793)


Depuis le XIVème siècle et l'apparition idéologique de la légitimation démocratique, l'Occident a produit des processus de légitimation idéologique - fictive du pouvoir, donc des sociétés d'idéologie dominante, donc des sociétés à attentes idéologiques, donc des sociétés à problèmes . La légitimation démocratique du pouvoir est un mensonge évident à l'épreuve de la réalité . En réalité la maîtrise de l'information par le pouvoir lui permet une boucle d'auto-légitimation . La maîtrise de l'information permet à une oligarchie de poser les termes des problèmes et de verrouiller le pouvoir effectif . Le paradoxe de toutes ces légitimations fictives par les dominés les oblige à dénier la domination effective d'une oligarchie, et à affirmer la totale liberté des sujets à consentir à leur asservissement, multipliant paradoxes, oxymores et doubles contraintes .

Dans l'URSS, le prolétariat devait exercer la dictature, alors que l'exercice effectif de la dictature fait de vous non un prolétaire, mais un dictateur . L'oligarchie était ainsi nommée « prolétariat » . Dans le modèle démocratique, le peuple doit gouverner, - nul ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément - alors que le nombre effectif des dominants est très réduit, et lié à la puissance effective de l'argent . Des oligarques peuvent ainsi se faire passer pour des représentants des dominés, femmes, homosexuels, etc . Il est essentiel, dans ce dispositif idéologique, que la domination soit une essence – l'homosexuel est dominé, par exemple, par « la société patriarcale », on le constate bien à Sparte . Car si la domination est un lien effectif, le fait de dominer, il devient impossible de faire dominer effectivement une victime de l'histoire, prolétaire ou homosexuel . De ce fait, ces sociétés s'assomment de mensonges et de dénis . Et c'est la vérité nue qui devient le principal problème des hommes – la vérité devient importune, voire imposture .

L'attente idéologique, c'est une conception égalitaire de l'harmonie sociale, conception purement idéologique et vide, quand l'harmonie d'un système social, et même d'une petite organisation, ne peut être garantie que par des rôles et des tâches clairement identifiées, pour éviter les conflits, les tâches faites, refaites et défaites, la parcellisation impuissante . L'attente d'égalité statistique de toutes les catégories inventées par les caprices du spectacle ne peut que sans arrêt créer du désordre, briser les liens sociaux spontanés, et dont la fin la plus certaine est de renforcer sans arrêt le pouvoir d'arbitrage du centre, pour aboutir à l'hypercentralisation démocratique moderne, qui allie le désordre et la dictature, et qui s'est illustrée dans le IIIème Reich . Tout système social sain produit de la différence, de la hiérarchie . Pour une société d'idéologie dominante, toute hiérarchie qui n'est pas celle reconnue par l'idéologie est un problème . Aux Gender Studies succèdent les antispécistes, partisans de l'animalisme, comme Peter Singer, et donc partisans de l'abolition des barrières « fictives », « oppressives », entre l'homme et l'animal .

Dans l'histoire de l'URSS, il est apparu ainsi le problème des Koulaks, parce que des paysans ont pu être plus prospères que d'autres – en soi, ce n'était un problème que pour les attentes des idéologues . Le problème massif des sociétés à idéologie dominante est de créer des problèmes qui n'existent pas – personne, à part la bureaucratie, ne vivant de « problème des koulaks » . Et de multiplier les problèmes en cherchant des solutions à des problèmes qui n'existent pas, comme la grande famine de l'Ukraine lors de la « dékoulakisation » . L'Empire Ottoman n'a jamais reconnu de « problème de xénophobie », mais exécuté ceux qui l'évoquaient, maintenant des siècles un Empire extrêmement varié en paix . Notre « problème de la parité » est du même ordre . Quant un dominant évoque un « problème » qui n'apparait à aucun des acteurs d'un sous-système social, il est clair que ce problème est complètement artificiel . Quand un patron d'entreprise trouve que la parité parmi les contremaîtres d'une usine est un problème, mais que le faible niveau des salaires, ou le mépris des salariés, n'est pas un problème, même les femmes salariées devraient se méfier .

Mais la domination informationnelle des dominés par le spectacle est telle qu'il se trouve toujours parmi eux des volontaires pour saisir les « mains tendues » de l'oligarchie, si grossiers soient les leurres .

Il existe des sociétés où la domination est basée sur la reconnaissance de la force effective . Dans une telle société il n'y a que très peu de problèmes . Dans l'Empire Romain, un très grand nombre de nos « problèmes les plus graves » étaient inconnus, comme le problème de la parité, ou le problème homosexuel, ou encore le problème du chômage . L'Empire a intégré des populations infiniment diverses et n'a pas connu le problème du racisme .

Mais nous, nous voulons une légitimité idéologique, morale et historique du pouvoir lié à la démocratie . Le résultat, c'est qu'il nous faut jouer un spectacle auquel peu de gens adhèrent vraiment, nommé consultation du peuple, pour valider un des candidats du Système . Pour jouer ce spectacle, il faut définir qui fait partie du peuple et donner des papiers qui le certifient, ce dont personne ne s'est préoccupé pendant des siècles . De ce fait il apparaît le problème national, et le problème des sans papiers .

L'incapacité des Empires européens à intégrer les colonies, ce que réalisa l'Empire Romain, se retourne en incapacité à intégrer sur notre sol les populations des anciennes colonies . Le véritable problème est la dévolution élective du pouvoir suprême, qui fait du pouvoir un enjeu de l'intégration – un enjeu de guerre civile . La culture européenne moderne est profondément inapte à former une société de population diverses – et c'est ce que la comparaison historique rend évident . Les sociétés d'idéologie dominante sont des systèmes où des personnes, des masses de personnes, finissent par être des problèmes . La mafia sicilienne le sait : seuls les vivants posent des problèmes .

Nous voulons la démocratie dans une société où la rigidité de l'organisation productive implique une tyrannie quotidienne de plus en plus évidente, et autoritaire – nous votons le dimanche , cinq minutes une fois par an pour ne pas désorganiser la production, et nous nommons notre régime démocratie, malgré ses évidents caractères oligarchiques . Ce désir de légitimité est cela même qui nous porte à multiplier les mensonges – car le pouvoir au présent cycle, c'est la force, et c'est tout . Et nous voudrions un pouvoir basé sur la faiblesse, sur la protection des victimes . La force doit instituer la Loi – et la plupart du temps au présent cycle la force joue tellement avec la loi que la loi n'en est plus crédible, ou presque . La Loi n'est plus instituée, mais vendue .

Par la démocratie moderne enfin, les problèmes sont constitués dans le Spectacle – même les problèmes les plus graves deviennent spectaculaires . Et le Spectacle veut des mandats courts, ce qui suppose une incapacité des dirigeant eux-même à penser à long terme . Ce qui est spectaculaire, c'est le moment de l’élection, et non la continuité séculaire d'un pouvoir légal . Soyons très clairs : la démocratie médiatique moderne n'est pas un régime politique apte à constituer les problèmes du monde en problèmes collectifs . Au moment du triomphe idéologique de l'idéologie racine libérale, il convient de proclamer que ce règne est un risque mortel pour l'humanité, quand la nécessité d'un collectif universel risque à tous moment de se poser .

Au terme de cette réflexion sur les problèmes, il faut constater que les sociétés humaines modernes sont mal armées pour identifier les termes des problèmes massifs, non liés à l'organisation humaine, comme un accident nucléaire massif, ou pire, le risque de choc environnemental mondial . Elles sont mal armées pour y réagir de manière pertinente et organisée, et donc globalement mal armées pour passer des difficultés massives . Comme de telles difficultés sont possibles, il y a lieu d'être pessimiste .

Les sociétés humaines modernes sont organisées en vue du Système, pour maximiser le déploiement de la puissance matérielle, et pour maintenir la domination de l'oligarchie . La construction des termes des problèmes, la recherche de solution passe par ce double philtre . Ainsi Fukushima ne remet pas en cause la filière nucléaire en France, et plus généralement je le prédis, dans le monde, car elle ne peut pas être réellement remplacée dans la course à la puissance ; et la rétention de l'information permet aux « experts » du Système de maintenir le cycle de l'information dominante, qui passe par le déversement d'un flot idéologique illimité . Les situations sont morcelées, inintelligibles ; la théorie du complot permet de remettre un ordre artificiel dans ces flots de jugements fragmentaires et continus . les oppositions sont presque toujours récupérées .

La lutte idéologique, la lutte pour l'intelligibilité globale sont encore aujourd'hui la seule activité globale possible . Nous n'avons pas à répondre aux « problèmes du Système » dans ses termes . Nous n'avons pas à réagir aux « évènements » du Spectacle . Nous n'avons pas à nous situer dans les catégories du Spectacle . Il faut sortir de ce monde pour inventer des mondes nouveaux .

Et le point le plus saillant de la lutte idéologique est celui des Gender Studies . Il est de plus en plus évident que les Gender Studies sont le ferment du totalitarisme idéologique du Système à l'ère de la décomposition du capitalisme . La logique systématique de la pensée sociale anglo-saxonne ultralibérale y déploie la totalité moirée de sa puissance de dissolution . Je me prépare à aborder frontalement ce problème .

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