ISI

Canal synthétique de la IIème Internationale Situationniste Immédiatiste.

mercredi 14 septembre 2011

Sur Niklas Luhmann, ou sur le creusement de la pensée.



Un article excellent d'introduction à un contemporain essentiel :


L’apport épistémologique de la pensée de Niklas Luhmann : un crépuscule pour l’Aufklärung ? Hugues Rabault, IEP de Toulouse.


Deus tenebra est in anima post omnem lucem relicta.

Le Livre des XXIV Philosophes, sentence XXI .


Quiconque inscrit son activité au sein d’une discipline scientifique ne peut ne pas être frappé d’une certaine naïveté du savoir : derrière les discours les plus méthodiquement construits ne cessent de se profiler des archétypes eschatologiques. Le scientifique prétend plus ou moins secrètement œuvrer dans le contexte d’un acheminement de l’humanité. Cela est également vrai des sciences humaines, comme la science politique, la sociologie ou le droit. L’exemple du juriste restera le plus frappant : qui davantage que celui-ci veut avoir pour vocation une forme de Salut de l’humanité ? Les ouvrages de Niklas Luhmann sont tous parcourus par une préoccupation commune : réinscrire les différents savoirs dans le contexte d’une fonctionnalité relative. Aussi le regard qu’il porte, et qu’il nous fait porter sur nous-même, sous les traits d’une inflexible systématicité et d’une érudition sans faille, implique-t-il une teinte d’ironie qui fait de sa science tout autre chose qu’une doctrine austère. C’est pourquoi la disparition récente de Niklas Luhmann constitue une perte, non seulement pour la sociologie, mais également, d’une façon plus générale, pour la pensée. D’un autre côté, il est certain que la pensée de Niklas Luhmann poursuivra son cours, tant à travers ceux qu’il aura influencés que dans les efforts de ceux qui chercheront à surmonter l’implacable rigueur de son système critique.

L’œuvre de Niklas Luhmann peut être envisagée sous des angles divers : pensée du droit, de la communication, de l’histoire des sociétés, etc. Cependant, ses multiples apports restent traversés par une entreprise unique, qui consiste en un immense effort pour repenser la question de la connaissance sous l’angle d’une théorie des systèmes. Rappelons que si les bases de la méthode adoptée sont posées dès la fin des années soixante, son application systématique se trouve mise en œuvre en 1984 avec la parution de Soziale Systeme. À partir de cette date, Niklas Luhmann analyse comme systèmes sociaux l’économie, la science, le droit et l’art. Le dernier ouvrage paru présente la société dans son ensemble en tant que système social (Die Gesellschaft der Gesellschaft, 1997) et vise de la sorte à la clôture de l’entreprise. Il s’agit alors d’atteindre le cœur de l’interrogation sociologique. La pensée de Niklas Luhmann, dans sa mise en œuvre de la théorie des systèmes, participe, au plan de la sociologie, d’une étape décisive, de la pensée du sujet à la pensée de la totalité sociale. La totalité sociale n’est pas seulement la société envisagée dans sa globalité, mais c’est une totalité différenciée à travers la multiplicité des systèmes sociaux. Sur cette base, Niklas Luhmann abandonne le terrain traditionnel de la fiction du sujet souverain au plan de la connaissance : la connaissance n’est pas le produit d’une activité individuelle démultipliée, mais de systèmes sociaux.


Suite : http://www.reds.msh-paris.fr/publications/revue/biblio/ds042043-b.htm#_edn0

Aucun commentaire: