Discriminations VIII : Jérusalem délivrée .

(Toyen, relâche)

Avec l'usage de la raison humaine la plus basse, on peut comprendre qu'un restaurant ethnique privilégie des employés de son ethnie ; qu'un artisan préfère travailler en binôme avec un "pays", pour la langue ou les coutumes ; qu'un homme préfère ne pas prendre une secrétaire obèse, ou très moche, ou une femme un commercial homme physiquement intelligent . Bref, que de très nombreuses situations humaines sont "discriminatoires" au regard du politiquement correct, et ne méritent pas d'être jugées telles . Les critères de choix des personnes avec lesquelles on travaille ne peuvent être que professionnels, sinon dans une optique totalitaire de dévouement total à la production, qui est celle de la "lutte contre les discriminations" puisque le temps passé avec ses personnes est au moins aussi long qu'avec les conjoints . Donner raison à une féministe bien pensante est une erreur, elle n'aura aucune gratitude et ne couchera pas plus avec vous . Apprendre à rejeter brutalement ses arguments sans vulgarité, et en respectant la dignité humaine, doit devenir une capacité diffusée .

Si aucune réaction idéologique globale ne se forme, peut être qu'un jour le monde privé sera-t-il aussi envahi par l'idéologie de lutte contre les discriminations, et une personne pourra porter plainte pour discrimination contre une autre qui l'aura rejetée pour être partenaire de PACS pour de mauvaises raisons, par exemple parce qu'elle a grossi, comme pour l'absence ou la présence de virginité . Comme si le critère d'une séparation amoureuse devait être affaire de tribunaux . Mon rejet est souverain et j'emmerde résolument la communauté pour ça . Ce point préalable a été aveuglé par la polémique...

La civilisation pense ce qui est essentiel, vital d'obtenir et d'accomplir dans une vie humaine, et ce qui est secondaire, indifférent, ou contraire à ses fins . Et aussi ce qui est à interdire .
L'interdit dans le Système ne pèse que sur les actes qui généralisés, empêcheraient le Système de fonctionner : pas seulement le meurtre, mais surtout le respect de la propriété, et la règle de la maximisation du désir et de la frustration maximale, et celle du soulagement de celle-ci par les canaux légitimes du gain financier, du jeu, de la méditation ou de la médecine . Le jour où la lutte idéologique sera interdite sera un grand jour, celui où nous serons identifiés comme dangereux par le Système . En attendant, la lutte contre les discriminations est une marque de la dissolution de la civilisation à l'œuvre, une marque du nihilisme européen .

Dans le Système, l'interdiction de hiérarchiser selon l'appartenance culturelle ou religieuse semble montrer une tolérance vis à vis de l'enracinement : la réalité, c'est que cette « tolérance » ne montre qu'une réduction des enracinements à l'insignifiance, leur réduction à des domaines infimes et privés, la musique ou la cuisine, à l'exclusion de ce qui est sérieux, comme le travail ou le droit . Comme l'a parfaitement décrit Unabomber, si les postes important dans une entreprise sont donnés par le biais des réseaux familiaux, l'efficacité économique en pâtira, il est donc indispensable pour la puissance des entreprises que les liens familiaux et ethniques soient le plus distendus possibles . Le seul enracinement valable dans le système est celui du Système .

Ici on peut faire appel à Michéa – l'enracinement dans le Système est une hiérarchisation des valeurs selon la règle de « l'intérêt bien compris », qui est en réalité un enfermement sur soi, la mort de toute communauté humaine normale, "décente" . Nul ne doit attendre de moi d'aller au delà du calcul de l'intérêt immédiat dans une relation avec moi . Et moi, je ne peux rien attendre de plus . Ainsi ma vie humaine est-elle un chapelet de relations insignifiantes . La langue peut s'exténuer en mécanique et en fonctions logiques, voire se réduire à quelque centaines de mots ; la capacité à élaborer son désir, à le reporter, à le projeter, à construire de vastes Empires, se réduire au pulsionnel immédiat . Le modèle anthropologique construit et produit en série par le Système est un être pulsionnel, dispersé, sans langue, sans imaginaire, sans autonomie, sans communauté, incapable d'engagement, tout ce que les civilisations antérieures ont concevoir de détestable pour l'homme est passé en "qualités" pour le Système .

L'homme fonctionnel du Système le plus puissant de l'histoire est une marionnette vide qui se pense comme toute puissante, faute d'avoir à affronter aucun être authentique . Seul, sorti du Système, cet homme fonctionnel est néant : comment pourrait-il revendiquer sa liberté ? Et comment le pourrait-il ? Ceux qui le font seraient incapables de l'assumer . Qu'auraient pesé nos théoriciens de la toute puissance individuelle en 1940, lors de l'effondrement du pays ? Un paysan romain eût mieux survécu que nous tous . Notre indépendance et notre liberté affichées ne sont que le masque d'une extrême dépendance au fonctionnement normal d'un Système de plus en plus autoritaire et complexe . Coupez l'électricité, et tous ces millions de petits rois seront nus, misérables et perdus . Qui aujourd'hui à appris à se nourrir, à se défendre soi-même ?

Le Système, c'est les sondages plus l'électricité .

L'enracinement dans le Système est la mort de l'essence de l'homme civilisé, qui se pense comme partie, partie d'un peuple, d'une langue, d'une communauté politique et d'adoration, d'une culture de l'homme pour le faire croitre comme un végétal, et qui universellement placèrent soit comme interdits (l'usure, la pornographie...) soit comme nécessités inférieures (l'obligation de produire des richesses, la médecine...) ce que le Système place en premier . L'homme civilisé se pense aussi comme partie combattante de la communauté, comme détenteur d'une capacité souveraine car militaire . Il importe d'être clair : le Système est la mort de la civilisation humaine, dans ses multiples formes connues en dehors de lui . La formidable puissance collective de l'homme du Système, comparable à une coulée de boue, se paie d'absurde et d'exténuation de l'être, de diffusion du nihilisme .

L'homme véritable est au delà du bien et du mal, au delà des critères d'organisation de la culture de l'homme, car selon la définition de Schmitt, la souveraineté est ce qui décide du cas d'exception, à savoir ce qui est ou n'est pas un cas d'exception, et de la décision à prendre si le cas est jugé tel . Conséquence immédiate : la souveraineté est au delà du bien et du mal, au delà des critères de l'ordre normal, et elle reconnaît les droits supérieurs de l'exception : la souveraineté est et n'est pas de ce monde, elle sait le tissage du bien et du mal qui concourent à l'harmonie du tout, ce qu'expriment les anciens symboles des peuples, montrant l'enroulement communs des volutes de la lumière et des ténèbres . La société idéale du politiquement correct n'est pas seulement plate et stupide, elle est une infamie répugnante . Écrasons l'infâme !

Les critères de l'œuvre d'art, l'art comme souveraineté dans le monde moderne, un monde qui la nie, comme ceux de l'éthique, sont du domaine de la puissance, et du surréel, du surnormal . L'esthétique de Diderot, la volonté du génie de vouloir l'énorme et le sauvage, est le reflet sublimé du désir énorme et sauvage de l'artiste, de son aspiration légitime mais sauvage, hors des règles civilisées, de l'urbanité humaine . Le lien entre le génie artistique, le fou et le criminel réside dans cette énormité pulsionnelle, cette rage, que le génie artistique rend socialement acceptable par un talent . Le génie artistique n'a pas nécessairement plus de talent que la masse (déjà infime) des gens dotés d'un vrai talent ; mais en plus, il est prêt à mourir, à écrire et dessiner avec son sang . De cela il n'a pas le choix, c'est une nécessité qu'il accompagne, quand il renonce à la refouler . L'artiste véritable et le révolutionnaire se retrouvent dans cette reconnaissance du fanatisme de fer comme seul digne de leur cause . A ce titre, ils sont impitoyables, dépourvus d'humanité . Ces hommes là travaillent pendant que le reste des hommes muse : tant pis pour eux, tant pis pour eux ! Le Système mérite des adversaires déterminés capable de produire une culture du refus .

Le Système comme les autres totalitarismes, malgré son perfectionnement supérieur, échoue à rendre la dissidence impossible . Le dépassement de l'homme est l'homme . L'homme par essence ne peut être défini . Du moins l'homme qui aspire encore à être, et non à ressembler . « Mais pour les autres, pour nous, chaque geste, chaque désir, chaque affect rencontre à quelque distance la nécessité d'anéantir l'Empire et ses citoyens. Affaire de respiration et d'amplitude des passions » THJF, p 9 . Le Système pour se fermer doit faire de l'homme un être clôturé, borné, prévisible, l'analogue de l'homme nouveau des totalitarismes antérieurs : « En tant que son apparence épuise entièrement son essence et sa représentation sa réalité, la jeune fille est l'entièrement dicible ; comme aussi le parfaitement prédictible et l'entièrement neutralisé »(THJF, p 30) . L'homme passe en chose, le gouvernement des hommes en administration des choses . La guerre est inévitable, car ce qu'elle engage est de l'ordre de la vie, pour ceux qui ne peuvent pas mourir à leur être sans étouffer et éprouver l'angoisse et la haine : la slogan punk résumait : HATE AND WAR...« (…) nous sommes si peu et déjà de trop. »THBL, p 18 .

La guerre qui s'ouvre est une guerre pour la liberté et la dignité humaine, contre les masques de l'éthique du Système . Alors à nouveau le bonheur sera une idée neuve en Europe .