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| (Maïakovsky) |
Les violations des droits fondamentaux issus de la pensée politique classique (égalité, conscience, expression, correspondance et vie privée...) se multiplient sous des oripeaux de droits d'exception élevés lors de chocs médiatiques. La fréquence de ces chocs médiatique ne cesse d'augmenter - le fait divers et l'horreur sont devenus des instruments de gouvernement.
Le rythme de la vie commune est battu par la danse macabre des images et des déclarations qui appellent à l'urgence. Tout recul, toute réflexion sont volontairement refusés aux hommes pour en faire des animaux domestiques.
Pourtant la réalité de l'usage de l'intimidation de masse, de la police et de l'idéologie par le troisième totalitarisme sera de plus en plus difficile à nier.
Et pas seulement chez Bush Jr et Guantanamo : également sous Obama et des pouvoirs de gauche. Pas seulement sous forme politique : également dans la vie économique des masses. Le plan du FMI pour la Grèce est sans efficacité sur la croissance grecque, mais il est une énorme intimidation de masse parfaitement réussie. Une intimidation globale, arbitraire, une politique des otages qui peut ne pas dire son nom.
Nous vivons bien dans une forme politique démocratique dérivant sans attache solide vers une tyrannie mimétique détenue par une oligarchie. L’élection va vers le plébiscite, et le plébiscite vers le sondage. Le sondage est un mythe. Sondage réifié, et au nom duquel parlent les maîtres des médias. Personne n'est jamais consulté, mais nous avons toujours une opinion, et de préférence une opinion favorable.
Cette forme politique qui n'a pas encore de nom - le capitalisme réel - développe un Langage - une matrice combinatoire idéologique - de mieux en mieux identifiable, même s'il n'est pas assez distant des hommes pour être encore un objet d'étude courant.
Ce langage est présent au café du matin des travailleurs, à la radio, à la télé, sur internet, en tout lieu et en tous temps. Il est familier et rassurant. Il s'indigne énormément et se félicite sans cesse de nouveaux progrès, alors que la situation moyenne des hommes ne cesse de s'aggraver sans provoquer aucune indignation ni constater aucun progrès.
Ce Langage exige morale et normalité - le nom moderne de la normativité bureaucratique - et paiement des dettes - c'est à dire de l'argent que les salariés doivent au Capital, directement ou à travers l’État. Il met tout le monde d'accord par des images simples suscitant l'émotion comme dans un film industriel. Il ne cesse de désigner l'ami libéral et l'ennemi. Il est à l'évidence un bourrage de crane, une propagande. Il est le support et le cadre de l'expression des masses.
Pour notre part, nous prévoyons de rester dissident, et donc éventuellement d'être désignés comme ennemi, un méchant dans le Langage et par ses termes : violent, fasciste, ultra-gauchiste, terroriste, raciste, sexiste ou encore bien d'autres choses, comme pervers ou criminel ou dépressif.
Je sais que cela est profondément faux, mais je sais que quand les médias désignent et que la foule hurle, la vérité devient un vice qui excite la colère et le goût du sang. La parole de Shylock ne rencontre que le vide et la haine.
Est-ce qu’un juif n’a pas des yeux ? Est-ce qu’un juif n’a pas, comme un chrétien, des mains, des organes, des dimensions, des sens, des affections, des passions ? N’est-il pas nourri de la même nourriture, blessé par les mêmes armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes remèdes, réchauffé et glacé par le même été et le même hiver ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourons-nous pas ? Et si vous nous faites du mal, ne nous vengerons-nous pas ? Si nous sommes semblables à vous en tout le reste, nous vous ressemblerons aussi en cela.
Des peuples entiers le savent. Ceux qui sont désignés à la haine s'exposent à être taillés en pièces par les chiens du Système.
Le présent système politique, c'est de plus en plus évident, aura ses chasses aux sorcières et ses grands procès. La première vérité est qu'aucun parti politique actuellement existant, aucun groupement associatif puissant n'est une protection contre cette dérive, et que le Langage recycle nombre d'anciens discours de gauche. La gauche de liberté, celle des deux derniers siècles, a laissé place à Léviathan, à la police, à la surveillance, à l'éducation forcée, à l'inflation de la règlementation, en partage des rôles avec la droite libérale.
C'est la fausse route, massive, et liée au développement du Capital. C'est la partie la plus amère du bilan à mener pour la gauche, analogue à la dissidence marxiste à l'Est, commencée dès les années de la Révolution.
Il n'est pourtant pas de conditions plus incontestables d'une dissidence réelle : la lucidité. Le banquet des héritiers de courants politiques parvenus au pouvoir attire une foule de techniciens prêts à construire une Nomenkaltura. La Nomenklatura libérale allie "socialistes", "écologistes" à toutes les autres sources de la Nomenklatura, et réduit encore davantage tout risque de contestation de son pouvoir. Cette Saint Alliance est un immense conservatisme, organiquement lié au capitalisme et à l'impérialisme, qui avance vers des catastrophes à terme.
La gauche a besoin d'héritiers révoltés.
C'est pourquoi nous serons dissidents dans la tyrannie déjà présente. Nous garderons le souvenir de Maïakovsky, mais nous ne suiciderons pas. Nous sommes Shylock et Maïakovsky. Aux laideurs bureaucratiques modernes, nous répondrons par l'indifférence, et par la détermination à inventer notre vie selon la roue des mondes. Nous opposons l'amour fou et le libertinage aux Gender Studies et au mariage pour tous, comme autrefois les poètes dénonçaient l'ordre du mariage bourgeois ; l'art comme producteur de modes de vie des hommes à l'art comme producteur de marchandises ; une société sans capitalisme à la société libérale dévorée par l'argent ; la Gnose de William Blake à votre religion du progrès et de la technique.
Nous partons vers les souterrains et les interstices de ce monde.
A bas votre amour, à bas votre art, à bas votre société, à bas votre religion. Maïakovsky.
Vive la mort !
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